Les fées ne portent pas de chaussures

On ne peut pas savoir comment on va réagir face à une situation qui nous dépasse.

J’ai fait mes premiers pas dans le monde de la vie après la mort, avec Hélène.

Il a bien fallu que je trouve des solutions qui me conviennent le moins mal.

Lorsqu’il a fallu passer l’étape des « pompes funèbres », choix du lieu de « la nouvelle demeure d’Hélène », choix du cercueil, du réceptacle (colombarium, caveau individuel, familial, urne pour cendres à disperser, urne pour cendres non dispersables et j’en passe..), c’est certain, il a fallu réfléchir très vite et très fort, aussi violemment que la situation l'imposait.

Autant, à la réanimation et à la morgue de Lariboisière, tout s’est passé en sécurité , en totale confiance, face à des professionnels de la mort et de la douleur, humains , mieux qu humains d ailleurs, parce que doux et forts, solides.

Des sages .

J’ai presque l’impression que la responsable de la morgue m’a prise par la main pour m’expliquer tout en douceur.

Il faut dire qu’Hélène m’avait bien préparé le terrain . L’été précédent, son grand ami, avait justement travaillé à la morgue de Lariboisière.

Et Hélène m’ avait raconté : ses réticences, au début, puis, son adaptation pour finir par trouver beau, cette façon de porter du soin à nos chers disparus, pour la toute dernière fois. Combattre la mort, la faire reculer de quelques jours , à coup de maquillage expert.

Effectivement, la femme qui nous a accueillis nous a parlé, aussi,des SDF qu’ils aprétaient au mieux. Un dernier soin, une dernière beauté, les derniers vêtements à leur trouver, eux qui n’en avaient pas.

Et puis, nous en sommes venus à Hélène.

Le choix de la robe…

J’ai choisi celle, une de celle dans laquelle je la préférais. Une que nous avions achetée ensemble, au super U de Jard sur mer . 

Trop mignonne la dedans.

Puis, il a fallu choisir sa « coiffe » puisque ses beaux cheveux avaient disparu…

J’ai choisi parmi les foulards qu’elle avait achetés récemment, avec ses amis Noémie et Charlène. Je ne sais pas ce qui leur avait pris de s’enticher de ce type de foulard, genre « Hermes », très à la mode dans mes années de lycée.

J’en ai choisi un coloré, moderne, qui n apparaît pas sur cette photo, prise après son " départ", à l occasion de la recherche d'un foulard que Noémie et Charlène auraient souhaité conserver en souvenir de leur amie. J'ai fouillé tous les placards tentant de dénicher l objet de leur désir, leur ai envoyé des photos des foulards qui ressemblaient le plus à leur description, pour, finalement, me rappeler celui que j avais choisi pour accompagner Hélène.

Puis, il a fallu parler chaussures .

Des chaussures, pour aller avec sa petite robe bleue et blanche….bah….justement. Hélène n’en avait plus. Il aurait fallu des tites ballerines claires ou tout simplement des tennis de toile. Mais….après deux mois de confinements et 3 semaines de vacances en Corse, cela faisait partie de ce que nous devions faire en aout, car Hélène était difficile à chausser. Pieds de princesse, des ampoules partout.

Elle n’avait que des baskets totalement défoncées ou des tongs.

Les chaussures d'Hélène- été 2020

Alors en short et à poil sous le tee shirt, ça passait, mais, dans un cercueil, c’était pas poss.

Tenue d'été d'Hélène, paréo porté en t-shirt, prête à patauger dans le premier ruisseau.

Là aussi, il faut réflechir vite…très vite.

Alors, il faut dire VRAI ;

Qu’est-ce qui ressemble le plus à hélène ?

Et bien, sa jolie robe et ses pieds nus : voilà ! pas de chaussures

Pas besoin. Elle est jolie pieds nus.

Ses pompes sont défoncées et nous n’avons pas eu le temps d’aller en acheter . On devait y aller justement avant la fin juillet puisqu’elle commencait à travailler le 1^er aout

La faucheuse a été plus rapide.

Voilà la vérité.

Alors, Hélène, pieds nus, nature, vraie.

Les fées ne portent pas de chaussures.