24 ans

Publié le 1 Février 2024

24 ans

25 janvier 2024

 

Quand je me demande quelle belle jeune femme Hélène serait à 24 ans, je sais qu'elle terminerait  ses études de droit et qu'elle serait prête  à en découdre avec la vie, ses injustices et ses droits à défendre. J'ai toujours eu confiance en elle, en sa force.

Trop sans doute.

Malgré l'annonce de sa leucémie, je n'ai eu aucun doute sur ses capacités à vaincre cette p.. de maladie.

Aucun!

Vu sa pêche, l'infirmière qui a effectué sa prise de sang n'en revenait pas lorsqu'elle a eu les résultats devant les yeux. Quelques mois après le décès d'Hélène, alors que je m'apprêtais à ouvrir le portail pour sortir la voiture, elle était là, sur le trottoir d'en face, à promener son petit chien ( celui qu'Hélène surnommait "La petite crotte"). Une petite crotte blanche, qu'Hélène avait dû aller gratouiller une fois ou deux. Hélène aimait observer la vie du quartier, de ces voisins qui passaient devant la maison pour aller promener leur chien au Mont Pipeau. Et elle leur donnait des surnoms:

Ainsi, il y a avait l'infirmière et sa petite crotte; ( rien de péjoratif, la petite crotte était très mignonne).

Il y avait aussi "le pote à Choupi", un homme aux cheveux longs qui venait souvent s'asseoir sur le banc du trottoir d'en face, près de la boite à livres. A l'époque où Choupi était encore assez leste pour faire le mur, elle n'hésitait jamais et escaladait la barrière pour venir chercher des caresses  à ses côtés. Hélène soupçonnait même le voisin en question de venir s'assoir, souvent à la même heure, dans le seul but de chercher son câlin de Choupi... Maintenant, il ne vient plus.

Mais je m'égare: 

Ce matin là, alors que j'ouvrais le portail, l'infirmière et sa petite crotte se sont approchées, timidement. Elle s'est présentée à moi, gênée; très gênée:

" C'est moi qui ai prélevé le sang de votre fille Hélène fin Juillet. Lorsque j'ai vu les résultats de l'analyse,  je n'ai pas compris. Elle avait l'air tellement en forme. Elle n'aurait pas dû pouvoir tenir debout"

Du reste, lorsqu'elle a été admise le jour même en urgence à l'hôpital, les médecins qui venaient l'examiner ont tous eu les mêmes réactions, en retrouvant parfois son lit vide et la Hélène, dans les couloirs, au retour des toilettes ( effet de la perfusion, sans doute, puisque ses passages aux WC ont été assez nombreux, et assez mémorables puisque je devais la suivre en trainant son arbre à perfusion et l'aider à se dépêtrer de sa blouse emmêlée dans ses tuyaux). Elle n'aurait pas dû tenir debout; elle aurait dû avoir sommeil, dormir, avoir des vertiges.

Mais non! Rien!

Elle se sentait même coupable, en allant aux toilettes, de passer et repasser devant un couple de personnes très âgées qui attendaient depuis la fin de la matinée et n'avaient ni chaise, ni eau. Elle voulait leur proposer sa chambre pour qu'ils puissent s'asseoir sur son lit. Les problèmes liés au COVID nous ont retenues de toute initiative. Mais Hélène leur a apporté une bouteille d'eau, moi une chaise et Didier, un sandwich, je crois.

Un médecin, après l'avoir examinée a même dit:"

"Vous êtes en excellente santé"

Ce qui m'a permis de recevoir, par dessus l'épaule du médecin, un beau clin d'œil d'Hélène. Elle savait, suite à ma propre traversée du territoire des cancéreux , que le cancer est assez sournois pour faire de nous, parfois,  des "malades en bonne santé". A croire que pour le monde médical, il y a une différence entre la maladie et le cancer. Le cancer ne serait-il donc pas une maladie ?

Tout cela pour dire que j'ai toujours cru en sa force.

Il fut une époque où elle mangeait tellement la vie que nous l'avions surnommée: 

"Tout feu tout flamme"

Sans jamais être fofolle. Juste à fond.

Alors, évidement, je ne comprends pas.

Je ne m'y fais pas.

Mais je crois qu'il n'y a rien de pathologique là-dedans.

C'était si inattendu, si inconcevable, quand tant pensent encore que nous avons de la chance d'être en France, là où la médecine soigne et sauve des vies. C'est tout du moins ce que certains se permettent de me dire. Mais comme je l'ai répondu à un médecin de l'IGR qui me tenait ce beau discours:

"Nous crierons notre joie de pouvoir profiter de la belle médecine française lorsqu'Hélène ressortira de l'hôpital la tête haute et le sourire aux lèvres. Et je suis pressée de crier victoire."

Il y a encore des gens pour croire qu'on ne meurt pas du cancer, et encore moins à 20 ans.

Leur naïveté me dérange vraiment

Mais je pars encore en vrille...

J'en étais à la belle fille qu'elle serait, toujours le point levé, à batailler, réclamer justice, prête au combat: 

 

Capture d'écran tirée d'une vidéo FB contre la hausse des frais d'inscription
Hélène lors d'une manifestation à Lille pour défendre les droits des femmes
Hélène avec un haut-parleur plus grand qu'elle

 

Quand je vois tout le bruit fait autour des anniversaires des "People" disparus, je me dis qu'il n'y a aucune raison pour que les vies minuscules comme les nôtres ne soient pas, elles aussi, célébrées. Et surtout celle de ma fille.

Alors j'ai tenté, comme je pouvais, de "fêter" son anniversaire, encore un peu plus fort que les années passées. Avant  que tout bascule, nous ne fêtions pas la nouvelle année le 31 décembre. Nous profitions de l'anniversaire d'Hélène pour inviter la famille et arroser tout cela d'un bloc. Tandis qu'Hélène fêtait, au sous-sol, son anniv avec ses potes.

Cette année, j'ai décidé de réunir tout le monde: mes amis et les siens autour de la nouvelle année et de l'anniversaire d'Hélène.

Galettes, crêpes, mousse au chocolat, flan coco....tisanes, thé vert, café, cidre et bien sûr, côteau du Layon.

Tout y était, sauf elle.

Mais c'est pour elle que nous étions tous réunis, autour de son absence.

 

 

Tous sont montés dans sa chambre, chacun a choisi un coquillage, de ceux que nous avons ramassés sa Tatie et moi, sur les plages de Vendée, mêlés à ceux qu'elle-même avait ramassés, sur les plages bretonnes, lors d'un séjour avec ses grands-parents: chacun a choisi son coquillage pour le coller sur une ardoise afin d'y tracer le nombre  24. Thésy et Véronique ont eu l'idée de coller les plus gros pour en faire un papillon. Même le chat de Mélissa a pu faire son choix:

 

Ce jour là, le mal a été repoussé au plus loin, au plus fort. 

Les amis d'Hélène ont donné de leur mieux pour nous offrir des crises de rire, de celles que nous entendions il y a qqs années, quand ils offraient leur humour à Hélène que nous avions le plaisir de l'entendre rire aux éclats.

 

Ce sont les vieux qui rient maintenant, puisqu'elle ne le peut plus;

Espérons, comme l'a suggéré Chloé, que de là-haut, elle nous entende et les remercie, en veillant sur eux, ses amis les plus chers.

 

Rédigé par latitevadrouille

Publié dans #Hommages à Hélène

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